• LE PATRO N’EST PLUS CE QU’IL ETAIT

               Il était une fois un bon abbé, directeur de son patronage, fort bien inséré dans sa paroisse. Il s’inspirait au quotidien de maîtres indiscutables en la matière tel Don BOSCO, Joseph ALLEMAND, TIMON-DAVID, …

    Il participait au bonheur de sa communauté et en particulier des jeunes qu’il évangélisait ainsi que, par eux, toute la société par la reconnaissance des parents et de la municipalité.

     

                L’œuvre était prospère et fructueuse en conversions. L’abbé, qui voulait être irréprochable pour le respect des lois, laissa les urnes lui proposer un jeune cadre dynamique pour présider le conseil d’administration du patronage.

    C’était un militant laïc sorti d’école de management

     

                Celui ci considéra que le « Patro » était bien vieux et il voulu le réformer. Il fallait, le moderniser et il créa, pour cela, un poste de «manager».

    On recruta pour cela un salarié diplômé en gestion des entreprises. Celui ci se chargea en premier d’organiser les horaires d’entrée et de sortie des bénévoles, fort nombreux en ce temps là. Très vite, il fallut engager une secrétaire pour l’aider à préparer les dossiers et le «reporting».

     

                Ce que l’on fit grâce aux primes diverses et aux subventions du moment. Et l’on prit une secrétaire de direction qui mit sur pied un système de classement fort sophistiqué. Elle se chargeait aussi de l’accueil téléphonique et gérait, entre deux cafés, l’agenda du «manager» et du Président.

     

                Soulagé de ces tâches fastidieuses, M. l’abbé se dépensait dans la cour et dans le gymnase rencontrant les jeunes qu’il éduquait et évangélisait usant, pour toute stratégie, de sa patience et de sa douceur, ne s’épuisant que par sa présence.

     

                Ravi d’avoir posé les bases d’un possible accroissement de l’activité, le «manager» fit approuver par le Président l’impérieuse nécessité d’études comparatives, avec graphiques (C’est mieux sur power point, ndr), pour mieux connaître : le public accueilli, les niches d’accroissement de l’activité, le contexte juridique et sociologique afin de bâtir une stratégie à partir des tableaux permettant de se fier à des indicateurs sûrs qui permettent d’analyser les tendances.

    Pour cela, il fallu un expert en prospective et l’on fit le choix d’un «cabinet consullting» qui, de par sa position externe garantissait l’honnêteté du «reporting» (appelé aussi « rapport » dans le milieu militaire ou « rendement de compte » dans la tradition de l’église, ndr).

    Mais le cabinet sus nommé demandait un téléphone mobile, un ordinateur, un scanner, une photocopieuse, … Tout lui fut accordé.

     

                Le brave abbé qui souhaitait entretenir sa chapelle rechignait un peu, et de plus en plus, trouvant que l’Esprit-Saint était fort peu considéré. Par ailleurs, il se plaignait aussi de passer presque autant de temps à produire rapports, bilans et formulaires.

    On convainc en effet que l’abbé avait fort mieux à faire qu’à diriger son œuvre et l’on obtint de lui, après avoir consulté un cabinet RH (Ressources Humaines), qu’il accepte de ne se présenter au Conseil d’Administration et à la direction que si on l’y invite. Ne fallait-il pas qu’il s’occupe expressément et avec diligence « et de Dieu et des âmes » ?

     

    Pour qu’il puisse à loisir se centrer sur son ministère, on le dota d’un adjoint diplômé « des hautes études d’éducation avec option : communication ». Ce dernier devait «coacher» le cher abbé afin de mieux l’optimiser. Partageant le bureau du révérend il trouva le décor quelque peu suranné. Il fit changer le mobilier avec fauteuil ergonomique, informatique dernier cri. Jusqu’au cher abbé qu’il fallait relooker.

    Ce nouveau chef de service déplorait n’être pas en réseau, il fallait donc un chef projet informatique et de concert ils préparèrent le plan stratégique de pilotage du patronage.

     

                Le brave abbé avait beau prier, il n’arrivait plus à savoir comment obtenir le formulaire pour suggérer un plan de restauration des paniers de basket ou pour obtenir le renouvellement du rouleau de sparadraps de l’infirmerie.

    L’abbé était bien embarrassé, il aurait bien consulté l’évêché mais le président et le directeur avaient été promus aux instances diocésaines de l’apostolat des laïcs au titre de consultants privés de l’ordinaire du lieu (c’est à dire le pontife de l’Eglise locale – [l’évêque quoi ! ndr]).

    S’en ouvrant cependant auprès de conseillers, ces derniers décidaient un audit circonstancié sur le climat social. On découvrit, c’est inouï, que l’abbé semblait fatigué, qu’il serait bon de le remplacer ou tout au moins de le muter. Un entretien de progrès fit diagnostiquer opportun de le réserver au stricte cadre de « son coeur de métier » : la chapelle (lorsqu’elle n’était pas réservé pour une réunion de syndic ou un concert de musique) et son annexe la sacristie. 

     

                Le brave abbé, fort déprimé, à l’Assemblé Générale s’offusqua. Pour cela on le licencia.

     

    Epilogue : Un an après, devinez, d’enfants au « Patro » il n’y avait plus. Devinez ce qu’est devenu le vieux « Patro » de l’abbé : une société conseil de management du territoire et du lien social local.

     

     

                Moralité : Cette leçon vaut bien nos prières, n’est-ce pas ?

     

     

    P. Christophe BOUDEREAUX

     2003 mis à jour le 28 avril 2009

      

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