• PUNITION - SANCTION

                La « loi » (règles sociales, familiales, scolaires, …) est structurante pour la formation de la personnalité de l’enfant parce qu’elle le confronte à des limites et l’oblige à renoncer à ses fantasmes de toute puissance. Mais comment faire respecter une loi et quelle attitude prendre lorsqu’elle est transgressée ?

     

                Rester sans réaction lorsqu’un enfant commet une infraction, c’est reconnaître implicitement que celle-ci n’est pas si importante que cela, et qu’elle devrait disparaître. Ou alors, c’est une démission de notre rôle d’adulte, garant de la loi. Peur de l’enfant ? Peur du conflit ? Incapacité à s’assumer   dans un rôle négatif ou du moins désagréable ?

     

    La fin et les moyens

                Pour beaucoup, réagir c’est punir. Mais la punition est bien souvent l’expression de notre volonté de puissance et d’écrasement de l’enfant. Dans bon nombre de cas, elle n’a aucun rapport avec la faute commise, ou bien elle est disproportionnée. De ce fait, loin d’apparaître comme méritée à l’enfant ou au jeune, elle excite souvent son sentiment d’injustice et fait naître une envie de vengeance. La punition, certes, peut-être efficace à court terme, y compris la punition corporelle. Dans son livre « Survivre », Bruno BETTELEIM affirme : « De nombreux travaux scientifiques montrent que les châtiments corporels produisent des résultats beaucoup plus rapides que le raisonnement. D’ailleurs, si c’était le contraire, le monde irait beaucoup mieux. Le raisonnement est un long, très long chemin, un processus très difficile. Mais il est évident qu’il est aussi, et de loin, le meilleur ». Les moyens à choisir doivent-être en rapport avec la finalité poursuivie : « Il faut se demander, écrit Betteleim, quel enfant on veut avoir, quelle sorte d’être humain on veut qu’il devienne quand il sera grand ». Et lorsqu’on lui demande par quoi remplacer la fessée, le psychanalyste répond : « la prudence, la vigilance. Il faut impressionner l’enfant par votre grande intelligence et non par la force. »

    Réagir ne veut pas forcément dire punir. L’infraction à la loi doit être sanctionnée : l’enfant doit se voir signifier, s’entendre dire, qu’il a commis un acte répréhensible, que celui-ci porte atteinte à la classe, à son frère, au commerçant …

     

    Sanctionner pour responsabiliser

                Dans la mesure du possible, il doit avoir la possibilité de « réparer » : ramasser les morceaux du pot de fleurs qu’il ne devait pas toucher et qu’il a cassé ; payer l’épicier les trois stylos qu’il a volés, … La sanction n’a de sens que si elle aide l’enfant à comprendre la portée de ses actes ; elle doit avoir un rapport avec la faute commise. De plus, l’adulte doit clairement différencier l’acte de son auteur. On peut expliquer à un  enfant qu’il a fait des bêtises ou commis un vol ; mais lui dire « tu es bête » ou « tu es un voleur » c’est le condamner à ne pouvoir être que ce qu’on lui affirme qu’il est.

    Souvent, l’enfant a du mal à reconnaître la loi, et celle-ci n’est pas toujours à la portée de son intelligence : elle doit donc être énoncée clairement et faire l’objet d’un « contrat » ; « Tu ne dois pas t’approcher du bord du quai du métro, si tu le fais je serai obligé de te garder prés de moi ». Dans la majorité des cas, il est possible d’expliquer à l’enfant qu’il a commis quelque chose de dangereux – ou de désagréable pour son entourage – et qu’il a rompu le contrat engagé. L’enfant sait qu’il a eu tort et qu’il s’expose à une sanction méritée : petit à petit, il apprend à se réapproprier ses actes. La sanction, le rappel à la règle, la réparation permettent de soulager la culpabilité de l’enfant ou de l’adolescent. A défaut, cette culpabilité peut devenir lourde à porter et l’enfant cherchera des moyens de s’auto-punir (se priver de manger, avoir une mauvaise note à l’école …) ou de se faire punir ailleurs. En ce sens la sanction peut avoir la même fonction que la punition. Mais là où la punition humilie, détruit, la sanction porte en germe un nouveau départ. C’est le moyen en accord avec la volonté d’éduquer l’enfant à la responsabilité, à la confiance, au respect.

    P. Christophe BOUDEREAUX

     

    Un mot sur les châtiments par St Jean BOSCO  

                Quelle conduite adopter en matière de châtiments ? S’il est possible, que l’on n’y recoure jamais. Cependant s’il faut obligatoirement sévir, que l’on retienne ceci :

    1.      Au milieu de ses élèves, l’éducateur doit chercher à se faire aimer s’il tient à se faire craindre. Alors, retirer sa bienveillance constitue un châtiment ; mais c’est un châtiment qui favorise l’émulation, encourage et n’avilit jamais.

    2.      Pour les enfants, est punition tout ce qui est utilisé comme tel. On a observé qu’un regard sans affection produit sur certains plus d’effets qu’une gifle. Des félicitations pour un bon résultat, un reproche pour une négligence, c’est déjà une récompense ou une punition.

    3.      Sauf rarissimes exceptions, que les corrections et les châtiments ne soient jamais donnés publiquement, mais en particulier et loin des autres élèves. On fera également appel à toute sa sagesse et à toute sa patience pour obtenir que l’enfant éclairé par sa raison et sa foi comprenne sa culpabilité.

    4.      Il faut absolument et de toute manière éviter de frapper, de mettre à genoux dans une position douloureuse, de tirer les oreilles et d’infliger des punitions analogues, parce que les lois les interdisent, qu’elles irritent grandement les jeunes et qu’elles avilissent l’éducateur.

    5.      Le directeur informera soigneusement les élèves des règles, récompenses et sanctions prévues par la discipline, afin qu'ils ne puissent avoir l'excuse de dire : « je ne savais pas que c’était commandé ou défendu ».

                Si cette méthode est pratiquée dans nos maisons, je crois que sans recourir ni au fouet, ni à d’autres châtiments brutaux, nous obtiendrons d’excellents résultats. Depuis environ quarante ans que je m’occupe des jeunes, je ne me souviens pas d’avoir usé de tels châtiments. Avec l’aide de Dieu, j’ai cependant toujours obtenu, non seulement l’indispensable, mais encore tout simplement ce que je désirais ; et cela de la part d’enfants pour lesquels tout espoir d’aboutir à une réussite convenable semblait être perdu.

    Extrait de « Le système préventif dans l’éducation de la jeunesse » (rédigé vers 1860) Jean Bosco

    Cité dans Constitutions et Règlements de la Société de Saint François de Sales

    (Congrégation des salésiens de Don Bosco).

     

    Concernant la punition collective

    D’une manière générale, qu’on n’en use jamais. Elle est moralement discutable et donc affectivement difficile à gérer.

    En tout état de cause, la sanction collective ne peut être légitime pour les faits sans gravité et les affaires strictement privées.

    Cependant, on peut considérer un degré de pratique qui relève de l’utile pression collective ceci pour deux raisons au moins :

    q       Rappeler ou confirmer une pratique convenue (tour de débarrassage de table, entretien, etc…).

    q       Rétablir l’ordre et la concorde à cause de dégradations ou d’un vol d’une valeur conséquente, … commis dans l’anonymat.

    Dans ces cas, les sanctions viseront à produire une frustration sur le groupe visant à laisser comprendre que le désagrément du moment, sur lequel on peut agir, est moindre que celui que produirait le laisser-aller. Laxisme ou laisser-aller qui pointe d’autant à l’horizon que le contexte d’anonymat camoufle souvent des complicités silencieuses. La probabilité d’une ou plusieurs complicités constitue un nouveau critère permettant de décider ou non d’une action de pression sur le groupe.

                Mais attention, ce moyen de pression peut s’avérer un faux ami car il se peut que, par réaction, le groupe se soude en opposition à la sanction. Il faudra toujours veiller à expliquer et motiver ce type de position afin de pouvoir faire appel à la raison des jeunes et permettre à l’équipe ou au groupe, sinon d’agréer, du moins comprendre. Sur ce point d’ailleurs, il sera toujours bon de s’interroger pour savoir si tous peuvent saisir les enjeux  et comprendre ce qu’on essaie de faire.

    Dans le cas d’un mouvement collectif de désordre, chahut dans une chambrée par exemple, la sanction collective peut avoir une certaine pertinence pourvu que l’on tente de considérer le statu de ceux qui n’y participaient pas. Pour ceux là, il sera bon de les épargner soit par le témoignage de l’encadrement mais surtout par désignation par les autres jeunes. En effet, si des membres du groupe ou le groupe dans son entier semble désireux d’innocenter certains et que cela est juste (attention aux faux jeux), alors on peut penser que le groupe est en voie d’accepter la démarche. Le dialogue sera alors possible et il sera bon d’exécuter une sanction avec souplesse et humour « faute avouée étant pour moitié pardonnée ». La leçon ne consiste pas tant dans la peine mais dans l’intégration de la logique de la règle.

    P. Christophe BOUDEREAUX

     


    Tags Tags : , , , ,
  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :